579] Stéphane Bern "Croque le gratin"

Chronique de Stéphane Bern dans la " Tribune de Genève" :

"Stéphane Bern "Croque le gratin "

Harry, le prince qui sort!

Dans toutes les familles, la position de cadet est la plus difficile à tenir, dans l’ombre d’un aîné dont la naissance a constitué pour ses parents le plus beau jour de leur vie. Il en va chez les Windsor comme chez les Smith. La reine Elizabeth n’a-t-elle pas subi tout au long de sa vie les incartades sentimentales de sa sœur cadette, la princesse Margaret? Le prince Harry de Galles n’échappe pas à la règle. Le fils du prince de Galles et de la défunte Diana – son absence prématurée justifie-t-elle toutes les bêtises de son rejeton cadet? – illustre parfaitement le rôle ingrat qui lui est assigné dans l’ombre du prince William.

Délesté de toute pression institutionnelle, il semble avoir été livré à lui-même et destiné à ne faire des étincelles que dans les rangs de l’armée. Certes, il a brillamment servi en Afghanistan ces derniers mois, mais son comportement héroïque ne peut effacer certaines erreurs de jeunesse à inscrire à son palmarès. En 2005, il lui vint l’idée «lumineuse» de se montrer à un bal costumé en uniforme nazi, juste après avoir été photographié ivre à la sortie d’une boîte de nuit, tandis que d’autres clichés le montraient en train de fumer des joints dans un pub. Pas de quoi décorer le lieutenant Windsor pour conduite exemplaire! Faisant amende honorable, multipliant les voyages humanitaires auprès des enfants orphelins du sida au Lesotho, le prince Harry s’était visiblement calmé jusqu’à ce que News of the World ne fouille dans les poubelles pour en exhumer une vidéo de 2006.

Dans un exercice d’humour grimaçant, le jeune prince de 22 ans y taquine ses camarades en les affublant de surnoms soi-disant affectueux: «Paki» à un soldat de sa chambrée d’origine pakistanaise, et «enturbanné» à un autre de ses camarades qui enfilait sa tenue de camouflage. Ces termes exhalent un parfum gênant de racisme ordinaire, même si, comme le souligne le premier ministre Brown, on ne peut soupçonner le petit-fils cadet de la reine de racisme, exonérant le prince «au bénéfice du doute». Soit. Mais tout cela sonne mal à l’heure où l’armée britannique tente une opération séduction sur les volontaires de confession musulmane avec une campagne de tolérance zéro sur les discriminations raciales! Personne, en revanche, n’a protesté de voir dans la vidéo le prince se moquer ouvertement de sa grand-mère et souveraine…

Délicate attention du groupe de presse appartenant à Rupert Murdoch, cordial ennemi de l’institution britannique et qui a dû en avoir assez de se faire traiter d’«Aussie» par l’establishment. Seules les associations homosexuelles y trouvent matière à se féliciter: on voit sur la bande le prince Harry lécher le visage et embrasser la joue d’un camarade. Elles croient y voir une avancée significative dans un pays où les hommes se serrent la main en public. Pour l’heure, à Londres, il est question de renvoyer Harry au combat avant de lui confier un régiment cantonné sous d’autres latitudes. Voilà à quoi servent encore les colonies du Commonwealth…

source : www.tdg.ch par Stéphane Bern