573] Jeanne Moreau respire l'esprit Grand Siècle et éblouit l'assistance !
STÉPHANE BERN CROQUE LE GRATIN
Esprit Grand Siècle
CHRISTOPHE KARABA Qu’est-ce que l’esprit Grand Siècle aujourd’hui? C’est la question que se posent chaque année les membres du Jury du Prix Grand-Siècle LaurentPerrier créé en 1965 par Bernard de Nonancourt. Depuis quarante-quatre ans, le Prix Grand Siècle baptisé du nom de la cuvée de la maison (et doté de trente mille euros) récompense des personnalités exemplaires dans leur domaine et qui rayonnent à travers le monde. Pour l’édition 2008, les vingt membres du jury – parmi lesquels Hélène Carrère d’ Encausse, Anny Duperey, Didier Van Cauwelaert, Florian Zeller, Jean-Michel Wilmotte, Françoise Chandernagor, Franz-Olivier Giesbert – n’ont pas eu loin à chercher. Ils ont voulu honorer la présidente sortante du jury, Jeanne Moreau. Lors d’une soirée la semaine dernière au pavillon d’ Armenonville, s’est déroulée la remise du Prix Grand Siècle dont l’objectif est de «ressusciter l’esprit festif et munificent de la cour du Roi-Soleil». Robes du soir, smoking de rigueur, service à la française sur musique de Lully entrecoupée des chansons de Jeanne Moreau, voilà pour le décor. Les listes d’invités ont visiblement été rajeunies même si la chanson J’ai la mémoire qui flanche nous ferait presque regretter les dinosaures d’autrefois. Mais attention, l’esprit Grand Siècle n’est pas le «m’-astu- vu» bling bling, ni l’indécent étalage mercantile des soirées commerciales.
La soirée a gardé le parfum désuet qui fait son charme.
D’ailleurs, quelle assemblée peut aujourd’hui supporter vingt minutes d’hommage rendu par Jérôme Clément à la divine Jeanne Moreau sans prétexter une cigarette à fumer dehors? Silence religieux dans les rangs où se mélangeaient le Prix Goncourt Atiq Rahimi, la princesse Chantal de France, Nana Mouskouri, le prince Laurent de Belgique et les cinéastes Pierre Schoendorffer et François Ozon tandis que Dominique Besnehard avait abandonné sa Ségolène pour jouer les chevaliers servants de la récipiendaire. Tout se passa bien jusqu’à ce que l’on perçoive un rien d’agacement chez la grande dame iconoclaste, non qu’elle boudât son bonheur de succéder à Lord Mountbatten, Rostropovitch, Lino Ventura, Jean Marais, Charles Trenet, ou Simone Veil, mais elle ne s’attendait pas à ce que la nouvelle présidente du jury, Claudie Haigneré, rajoute un couplet sur ses mérites. Chacun supposa qu’à force d’avoir fréquenté les étoiles, les retrouvailles de l’astronaute avec cette star du cinéma laissaient supposer qu’elle n’était pas redescendue sur terre. A moins que ce ne fût le champagne! Quant à Jeanne Moreau, elle chut littéralement sous le poids des fleurs qui achevaient de l’ensevelir. Elle s’éclipsa au plus vite, fidèle au portrait que brossa son ami Jean-Claude Brialy. «Jeanne est l’image de la vie, intelligente, solitaire, elle est fille de la terre.»
Stéphane Bern
www.tdg.ch du 08.12.2008